Perturbatio uitae, si ita sit, atque officiorum omnium consequatur. À propos d’un mode d’argumentation cicéronien

Author: Görler, Woldemar
Title: Perturbatio uitae, si ita sit, atque officiorum omnium consequatur. À propos d’un mode d’argumentation cicéronien
Review/Collection: Revue de Métaphysique et de Morale 57
Year edition: 2008
Pages: 45-60
Keywords: Héritage - Fortuna - Legacy, Philosophie - Filosofia - Philosophy, Rhétorique - Retorica - Rhetorics
Description: [Abstract] Cicéron était conscient que nombre de dogmes philosophiques fondamentaux ne pouvaient pas être prouvés au sens strict. Cependant, les considérant comme essentiels pour une vie de responsabilité, il fit de son mieux pour les rendre plausibles. Par moments, il affirme « souhaiter » que ces doctrines fussent vraies, assurant qu’il y «croyait» vraiment, ce qui évidemment posait de grands problèmes pour un Académicien sceptique. Dans deux passages (Leg., I, 21 et Off., III, 33), il «demande» carrément à son interlocuteur de lui concéder comme base d’un raisonnement à venir ce qui ne pouvait pas être établi par des moyens rationnels : des postulats, annonçant Kant, en quelque sorte. Il y a une autre technique pour convaincre son auditoire. Pour rendre une thèse A plausible, Cicéron expose souvent quelles seraient les conséquences (B) si on se débarrassait de A. Régulièrement, ces conséquences sont fâcheuses, pour la plupart il s’agit d’un effondrement général de la vie en société. Donc B est rejeté et l’on se trouve conduit à maintenir A. Cicéron ne dit pas «B est impossible». Il ne peut le faire car, en dépit de son caractère peu agréable, B demeure possible, il est simplement indésirable. Il apparaît que Cicéron incorpore un «postulat» : «B ne doit pas exister». Ainsi donc l’argument est du même ordre que les «désirs», «croyances» et postulats explicites cicéroniens. Du point de vue linguistique, il existe un certain nombre de variétés. Ce schéma sert, entre autres, à Cicéron pour établir une forme modifiée de connaissance, l’existence des dieux, la liberté de la volonté, la loi naturelle. On peut relever quelques contradictions logiques, et l’on sent une teinte rhétorique. En effet, la «preuve» fondée sur la conséquence a ses racines dans la rhétorique classique. Dans les manuels sur «l’invention» (topique), on trouve un locus ex consequentibus. Le recours à la rhétorique semble en contradiction avec le débat philosophique. Mais Cicéron était à la fois orateur et philosophe. Il tenait même à ce que les deux disciplines fonctionnassent ensemble. Tout ce qu’il prône ex consequentibus, il l’estimait nécessaire pour une conduite rationnelle de la vie. Il essaie donc de faire partager sa conviction à ses auditeurs. Il ne mérite pas d’être blâmé pour avoir utilisé une argumentation à la fois philosophique et rhétorique pour atteindre ce but.
ABSTRACT - Cicero was aware that a number of substantial philosophical tenets could not be proved in a strict sense. Still, as he thought them essential for responsible living he did his best to make them plausible. At times he affirms he « wished » these doctrines were true, indeed that he firmly « believed » in them (not a matter of course for an Academic sceptic). In two passages (Leg., I, 21; Off., III, 33) he bluntly « asks » his addressee to « concede » to him, as a basis for further reasoning, what cannot be established by rational means : « postulates », forshadowing Kant, in a sense. There is one more technique to win over his audience. To make a thesis A plausible, Cicero often expounds what the consequences (B) would be if A were done away with. Regularly, such consequences are unwelcome, typically a general collapse of civil life. Hence B is rejected, and we are pushed to maintain A. Cicero does not say « B is impossible ». He cannot, as for all its unpleasantness, B remains possible; it is just undesirable. It appears that Cicero, indirectly, incorporates a « postulate » : « B must not be ». So the argument is on a level with Cicero’s « wishes », « beliefs », and direct postulates. Linguistically, there are a number of varieties. The scheme serves Cicero to establish, inter alia, (modified) cognition, the existence of gods, freedom of will, natural law. Some logical inconsistencies can be detected, and we sense an oratorical tinge. In fact, the « proof » based on consequences has its roots in classical rhetoric. In the manuals on « invention » (topics), there figures a locus ex consequentibus. Recourse to rhetoric seems incompatible with philosophical debate. But Cicero was both, orator and philosopher. Indeed he insisted the two disciplines stay together. Whatever he propagates ex consequentibus he deemed indispensable to a reasonable conduct of life. So he tries to win his readers over to the same convictions. He ought not to be blamed for using both philosophical and rhetorical argumentation in doing so.
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Author initials: Görler 2008