Pro Quinctio

Titre: Pro Quinctio
Type Oeuvre: Cicéron - I - Oeuvres
Description:

An 81


Mots-clès: Droit - Diritto - Law, Éloquence - Eloquenza - Eloquence
Références historiques:

Contexte. Sylla Felix est dictateur depuis un an et met un terme aux grandes violences de la décennie passée. Les premières lois abolissent le système marianiste et restaurent la république aristocratique. Les guerres civiles et les vagues de proscriptions, le renversement des valeurs et l’esprit de vengeance ont meurtri les mémoires. Mais la pax syllana a ses règles : à défaut de réconciliation nationale, la période qui s’ouvre est celle d’une reconstruction qui impose la mesure dans les propos (« Conflicts would continue, as always, within the establishment ; but it would not be sedition against the establishment », E. Gruen, Last generation, 1992, 10). Pour Cicéron, comme pour tous les orateurs, l’année 81 ne peut pas être celle des grands débordements. La témérité n’est pas à l’ordre du jour ; d’après une fine remarque de A. Vasaly [2002, p. 72], il en serait de même d’un excès de neutralité.
L’affaire. A la demande de Roscius, célèbre comédien et beau-frère de Publius Quinctius, Cicéron se chargea de cette affaire. Devant succéder à M. Iunius, patronus réputé appelé à quitter Rome, « Cicero was at best second choice and still something of a debutant » (Andrew Lintott, Cicero as evidence, 44).
Le juge désigné par le préteur Cn. Cornelius Dolabella est C. Aquilius Gallus, jurisconsulte de grand renom, qui sera plus tard préteur en même temps que Cicéron. Ses assesseurs sont P. Quinctillius Varus, M. Claudius Marcellus et L. Lucilius Balbus.
Sex. Naevius, quant à lui, a pour patronus le déjà célèbre Hortensius, que le consulaire L. Marcius Philippus (cos 91) assiste de ses conseil et de sa présence. Tous ces personnages sont des membres éminents du parti conservateur. La mort tragique et récente (82) de Q. Mucius Scaevola Pontifex est présente dans tous les esprits. Ce grand juriste fut le mentor de Cicéron, de Aquilius Gallus et de L. Lucilius Balbus. Le Pro Quinctio est, en ce sens, un examen de passage par lequel l’orateur rend hommage à la formation qu’il a reçue.
Les enjeux personnels. C’est le premier discours de Cicéron qui nous soit conservé, mais ce n’est pas le premier qu’il ait prononcé, comme il le rappelle lui-même (PQ, I, 4). Ce procès marque sa grande entrée sur la scène judiciaire romaine.
Pour Cicéron a 26 ans, il n’est plus si jeune (Q. Hortensius débuta à 19 ans, L. Sempronius Atratinus à 17 ans, L. Licinius Crassus, le modèle de Cicéron, à 21 ans). Les événements tragiques de la décennie ont retardé l’entrée de Cicéron en pleine lumière (mais il a pris le temps d’écrire un De inventione). Cicéron doit affronter des orateurs confirmés, dans une affaire juridiquement très compliquée. Pire, les dernières péripéties ont conduit Quinctius à devenir demandeur. Si le discours de Cicéron est bien celui d’une « défense », il doit parler le premier. Cette position est délicate ; « il s’avance en territoire ennemi » (Michel, 1960, p. 158).

Les enjeux oratoires. Cicéron applique dans le Pro Quinctio les principes définis dans les écoles grecques. La division en partes est rigoureusement suivie. L’auditoire est parfaitement au fait de ces techniques, dont la mise en oeuvre définit une part de leur attente. Mais ce passage obligé par le « grand art » n’est qu’un prérequis. Ce que l’on attend de l’orateur, c’est qu’il aille plus loin et qu’il laisse passer, dans le canevas rhétorique, sa personnalité, son style, sa griffe. Troisième et suprême obligation, il lui faut arriver à la manifestation de la vérité. Derrière la technique et le style, il doit gagner la cause. Face au jurisconsulte Aquilius, Cicéron doit produire un exposé juridique sans faille et peu susceptible de grands élans littéraires ou philosophiques (Ciaceri, Cicerone, I, 22).L’issue du procès est incertaine, mais Cicéron s’y révèle un excellent juriste (Lintott, Cicero as évidence, p. 59)

Les enjeux politiques . On ne peut soutenir comme M. Fuhrmann (Cicero, 1992, p. 28) que ce procès n’a pas d’implication politiques. Les enjeux sont simples à formuler : Cicéron et son client doivent passer pour de bons syllaniens. Parmi les lois syllaniennes, la lex Cornelia de Tribunis Plebis dispose qu’un tribun ne pourra plus intercéder contre un décret pris par un magistrat, à l’exception des cas particuliers visant à défendre un citoyen. Or, au début de l’affaire, P. Quinctius a bénéficié de l’intercessio de N. Iunius Brutus, tribun en 83, qui s’opposait à un édit du préteur le privant de ses biens. Non seulement le tribun de 83 avait été un marianiste convaincu, mais il entrait dans le système de défense d’Hortensius de faire de cette intercessio l’exemple même des excès tribuniciens, que la législation de Sylla voulait précisément abattre. Cicéron mesure l’enjeu et démontre que l’intervention du tribun est conforme à la nouvelle loi, puisqu’elle n’entravait pas le pouvoir légal du tribun mais venait au secours d’un citoyen (P. Grimal, Cicéron, p. 59-60). Un autre événement complique la situation : P. Quinctius avait pris comme fondé de pouvoir Sex. Alfenus, chevalier marianiste proscrit l’année suivante par Sylla. Cicéron devra donc atténuer la suspicion qui pèse sur P. Quinctius, celle d’être un crypto-marianiste.
[PhR]
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Bibliographie: